Juillet 1905, dans l'Utah
« …Si j’étais lézard, j'aurais une longue queue, si j’étais lion, je serais le roi des animaux et j'aurais beaucoup de femelles, si j’étais girafe, j’aurai un long cou et une petite tête, si j’étais bison, j'aurais des cornes et…. Non, non et non, c’est tout con çà, et çà ne m’encourage pas, du tout. Tout au contraire, çà m’endors. Je dois simplement compter sur moi, sur mes jambes et sur ma force physique. Ce n’est pas comme çà, que je vais y arriver au bout de ce putain de désert blanc. Voilà quatre bonnes heures que j’ai entamé cette course. ce concours idiot pour décrocher le 1er prix ! Pensez un peu, l’ancien ranch « honey pie » des frères Storges, vous comprenez, çà vaut vraiment le coup de se bouger le cul »
« …Et je le jure qu’il sera à moi le ranch. Moi, Steeve B. Lynn ! Oui, bien à moi. Un ranch de 10 hectares, d’arbres et de prairies, avec au milieu un torrent d'eau pure. J'aurais aussi, des vaches, et d’autres animaux, plus tard. La belle Lyson sera enfin à moi, je la marierai et on passera notre vie ensemble dans ce ranch, avec nos futures enfants, Lyson à les hanches pour çà. J’ai déjà en tête le nom que portera notre ranch, je le rebaptiserai double « LL » comme Lyson and Lynn. C’est pour çà que je me bat, c’est pour çà que j’ai accepté cette course, ce concours de merde. Mais je la terminerai »
« Allez plus que 3000 mètres à tirer sur ce lac salé, chauffé à blanc, je marche et je cours sans m'arrêter sous une chaleur d'enfer et une blancheur à te rendre aveugle. C’est pour moi, et pour Lyson que je cours. Pensez, un ranch de 50 000 dollars, a moi et qui ne me coutera rien, si ce n’est, de le gagner avec mes jambes, mon mental et ma sueur… Mais, ce qui me manque surtout c’est les encouragements ».
« Il n’y a personne à des kilomètres à la ronde, si ce n’est mes concurrents, que j'ai réussi bien sûr, à vite rejoindre, à dépasser et à éliminer. Je ne les aperçois plus. Ils ont dû crever sur place. Les moins résistants en tout cas. C'est sûr, tu vas pas bien loin avec un quart d'eau autorisé, mais moi, je m'en suis servi pour m'arroser la tête, tu penses, elle a vite séchée, et elle me fait terriblement mal à présent, elle chauffe et je m'attends à qu'elle m'explose »
« Mais moi, je veux aller jusqu'au bout et gagner le pactole. C'est à ce moment là que je me jetterai dans le bassin d'eau, que les organisateurs ont aménagé à l'arrivée des concurrents. En fait, nous ne sommes plus que trois à ce niveau de parcours, mais je ne les crains pas, ils seront séchés avant ».
« Ah, j'oubliais, il y a celui ci aussi, ce stupide scarabée bleu qui file devant moi a la vitesse d'un grand vent. On a l'air de bien s'entendre tous les deux. Je le dépasse, il me dépasse, ou plutôt, je le laisse me dépasser, Mais il accélère de plus en plus vite et moi, je maintiens le rythme. On avance ainsi, comme çà sur le parcours, Maintenant, pour moi, ce scarabée est comme, les clés du ranch que je cherche à m'emparer, c'est ma carotte et mon fouet à la foi. Je distingue déjà, sur ses ailes l'enseigne « L.L. ».
« Lui et moi filons dans une course effrénée, je ne sent plus mes jambes, ni les efforts que mon corps fournit, Je suis comme une machine, bien huilée, bien programmée, mes yeux commence à se troubler, mais je ne vois que le scarabée, et ses six pattes, qui file comme une flèche. Il me fait penser à une grosse bille roulant à grande vitesse sur le sel durci par le soleil ».
« Il me rappelle un autre scarabée bleu de même taille, qu'on avait épinglé, pour nous amuser, sur un des piliers de bois du saloon de Minersville. bien que cloué, Il vivait toujours ce con et durant trois jours il s'est débattu, cherchant à se libérer. Ses pattes gigotaient et raclaient le bois avec un bruit de rappe. Un bruit incessant et agaçant qui devenait trop gênant lorsqu'on jouait au carte ».
« Un soir, alors que je perdais au jeu, j'ai fait feu sur la bestiole, que je jugeais seule responsable de ma malchance. La balle est allé pille sur L'insecte qui a explosé, laissant un liquide vert épais se répandre en auréole. La chance ne m'avait pas pour autant, souri. Je me souviens, j'ai dû perdre en tout 7.000 dollar ce soir là. Finalement, le bruit des pattes du scarabée, sur le bois, me manquait, durant les parties ».
« Je n’en vois plus la fin, de ce maudit désert, je me suis débarrassé de tous mes vêtements excepté mon chapeau et mes colts ».
« Il y a des carcasses d’animaux qui jonchent sur le parcours les cadavres de serpents aussi. Mais j'avance, à grand pas, le scarabée aussi, il accélère même l'allure, mais je le poursuis, il est mon coach, je ne le lâche plus et les clés sont à ma portée ».
« Beath le scarabée, que j'ai surnommé ainsi, s'élance de plus belle, il s'active, j'ai l'impression qu'il ne touche pas le sol. Mais bien sûr, il vole le salaud, c'est injuste et c'est contraire au règlement. Bien que épuisé, je me mets à courir derrière lui, comme un malade trempé de sueur et souffrant de partout! J'aperçois enfin la finale, la fin de la course, juste encore deux cent mètres, mais Beath a vu la bannière d'arrivée avant moi. Il est devant, complètement déchaîné et moi derrière je le pourchasse, le harcèle. Il ne reste plus que cinquante, mètres, vingt mètres... ».
« A cinq mètres de l'arrivée, je m'arrête, je n''arrive plus, je m'étouffe et m'écroule ventre à terre. J'ai perdu la course, Beath est arrivé premier et se baigne, à présent, dans le bassin.
Mais, j'y pense après tout, il gagne quoi à l'arrivée? ce n'est qu'un abruti d'insecte et non un concurrent! Alors je relève la tête et me mis à rigoler, à me foutre de sa gueule! »
« -C'est çà, tu pensais t'emparer du ranch, tu te prends pour qui, infecte bousier. mais c'est moi qui va l'avoir le prix! »
Affaibli et à bout, je me mets à me trainer comme une larve, jusqu'à la ligne d'arrivée, plus que un mètre, mais, exténué, vidé, je fini par tomber mort d'épuisement ».
« Beath, se prélassait dans l'eau fraiche du bassin, je ne l'ai pas entendu me dire :
« Pauvre imbécile! le scarabée que tu as tué à Minersville, c'était ma femelle! »
Lucien Ruth 10 Octobre 2009
F I N